Frédéric Van Bever
Partner
f.van.bever@cew-law.be
+32 (0)2 542 02 41
Aansprakelijkheid en verzekeringsrechtVastgoedrecht
Vastgoedrecht
L’article 3.62 du Code civil règle le sort des ouvrages réalisés « en partie sur, au-dessus ou en-dessous du fonds du voisin » en instaurant la règle générale d’un droit à en exiger l’enlèvement, sauf si cet empiètement est fondé sur un titre légal ou contractuel, précisant que la prescription acquisitive durant une durée légale permet d’acquérir un titre légal conformément à l’article 3.27 du Code civil (durée désormais de 10 ans, sauf en cas de mauvaise foi où elle est de 30 ans).
En cas d’existence de tel titre légal ou conventionnel, les ouvrages qui empiètent demeurent la propriété exclusive du constructeur, selon un droit d’accession « horizontal » dont la durée est limitée au titre invoqué.
En absence de titre et si le propriétaire est de bonne foi, l’enlèvement ne sera pas permis s’il en résulte pour le constructeur empiétant un préjudice « disproportionné ». Le voisin empiété aura alors le choix soit d’accorder un droit de superficie pour la durée de l’existence de la construction, soit de céder la partie de la parcelle nécessaire, moyennant, dans les deux cas, dédommagement sur la base de l’enrichissement injustifié.
Empiètera « de bonne foi » celui qui dispose d’un titre non-opposable au voisin (par exemple, une convention d’occupation précaire non transcrite conclue avec un précédent propriétaire) ou lorsque la limite des terrains est incertaine ou erronée au moment de l’exécution des travaux.
Si l’auteur de l’empiètement est de mauvaise foi, le voisin peut exiger l’enlèvement de la composante inhérente qui empiète sauf s’il n’y a ni emprise considérable, ni préjudice potentiel dans le chef du voisin. S’il ne demande pas l’enlèvement, le voisin aura le choix précité entre le droit de superficie temporaire ou la cession de propriété.
L’ampleur de l’emprise et l’existence d’un préjudice « potentiel » seront soumises à l’appréciation du juge de fond en cas de litige.
Il est donc interdit de poser des isolants sur son mur privatif, si ces isolants empiètent sur le fonds du voisin, et que celui-ci n’a pas préalablement donné son accord de manière expresse (rappelons que ces règles sont supplétives, et que les parties sont libres d’y déroger contractuellement).
L’existence d’un permis d’urbanisme autorisant l’exécution des travaux n’impose aucunement au voisin de subir l’empiètement, les permis d’urbanisme étant toujours accordés sous réserve des droits civils, notamment des tiers.
Tenant compte de l’épaisseur des isolants qui sont utilisés actuellement afin d’atteindre les meilleures performances énergétiques, il est difficile d’anticiper ce qui sera jugé comme étant un empiètement « considérable ». Un empiètement par la pose d’isolants et crépi ou bardage de finition de 20 cm sur un mur d’une longueur de 15 mètres emportera une emprise de 3 m².
Toujours est-il qu’un empiètement « non-considérable » mais qui cause un préjudice « potentiel » justifie l’enlèvement.
Le premier préjudice potentiel auquel on peut penser est l’impossibilité pour le voisin empiété de construire sur son propre fonds. Ce préjudice « potentiel » sera donc pris en considération, même si les projets de construction ne sont pas concrètement envisagés.
Il eut été plus judicieux de prévoir en ce cas que le droit de superficie sera limité non pas à la durée de l’existence de la construction, mais jusqu’au jour où le préjudice potentiel deviendra concret.
Ceci est d’autant plus regrettable que le voisin qui empiète par la pose d’isolants, pourrait ne plus avoir d’intérêt ni d’utilité à la présence de ceux-ci le jour où un immeuble chauffé et couvert viendrait à être construit à la place des isolants et finitions.
Les rédacteurs et auteurs de la proposition de loi portant insertion du livre 3 « Les biens » dans le nouveau Code civil ont été spécifiquement interrogés durant les travaux préparatoires au sujet des « situations où un empiètement pour des raisons techniques et/ou administratives ne peut être évité, notamment un empiètement suite à l’isolation requise (légalement) de la façade extérieure d’une habitation ».
La réponse du professeur SAGAERT fut « qu’il n’est pas indiqué de l’inscrire expressément dans la loi. L’éventail de situations possibles est trop grand pour cela et il existe, en outre, des situations d’empiètement qui ne bloquent pas les propriétaires riverains. Il ne semble dès lors pas possible de régler in abstracto le problème exposé par M. Crombez. L’orateur souligne que la théorie de l’abus de droit doit être appliquée dans de telles situations ».
L’auteur de la proposition de loi insiste « sur le fait que lorsqu’il existe une réglementation émanant des pouvoirs publics rendant l’isolation obligatoire, voire lorsque l’empiètement est motivé par des considérations écologiques ou de durabilité, il faut aussi toujours tenir compte de l’aspect de l’intérêt général dans l’évaluation de la situation. »
(Doc. Parl. Chambre, ses. Ord. 2018-2019, n° 55-0173/004, p. 30 – https://www.dekamer.be/FLWB/PDF/55/0173/55K0173004.pdf )
Outre qu’il reviendra donc au juge de tenir compte d’un éventuel abus de droit et de l’intérêt général, spécifiquement en matière climatique, rappelons que l’empiètement demeure spécialement autorisé lorsque celui-ci est justifié par la construction d’un mur mitoyen permettant l’appui d’une seconde construction, selon l’article 3.106 du Code civil.
Il existe donc un droit d’empiéter chez son voisin par la pose de briques ou béton assurant la stabilité d’ouvrages qui ne seront peut-être jamais construits, mais pas par la pose d’isolants et finitions démontables.
Il est donc regrettable que le Code civil ne règle pas la question du mur indépendant, avec la pose d’isolants et finitions « en attente » d’une construction voisine.
Espérons que les situations litigieuses seront tranchées en tenant compte de cette différence de situation, qui devrait permettre de justifier des situations dans lequel l’enlèvement serait « abusif ».
Frédéric VAN BEVER
Louizalaan 250
1050 Brussel
België
+32 (0)2 534 20 20
info@cew-law.be
Ontwikkeld door Le Sidecar Web